dimanche 31 juillet 2011

Essai occasion - Alfa Romeo GT 1.9 JTD 150cv : Le joker du Biscione

Pendant vingt-six mois, entre 2008 et 2010, je fus l'heureux propriétaire d'une Alfa Romeo GT mazoutée. À la fois coupé sportif apportant un grand plaisir de conduire et véhicule économique préservant le portefeuille (j'effectuais alors cent-dix kilomètres par jour), cette voiture m'a fait ressentir divers sentiments tant son caractère est disparate. Achetée à 90.000 kilomètres au compteur, cette séduisante transalpine était en plein dans la fleur de l'âge. L'occasion pour moi de découvrir ses nombreuses qualités, mais aussi – hélas – d'entrevoir les « maladies » de ce coupé, gage de l'héritage des controversées 156 et 147 qui ont fait le bonheur et le malheur d'innombrables Alfisti par le passé.


Une Alfa Romeo GT d'occasion ?

Tout d'abord, pourquoi acquérir une Alfa GT d'occasion ? Généralement, une Alfa Romeo s'achète plutôt par passion que par raison, et la marque possède de sérieux atouts pour attirer les passionnés. Pour tout amateur d'automobile qui se respecte, impossible de rester de marbre devant les charmes des voitures italiennes – même sans en être fan. À cet égard, l'Alfa GT offre un design tout à fait attrayant, interpellant de nombreux curieux qui se retourneront souvent dans la rue ou même au volant à la vue de cette voiture – qui n'est pas des plus courantes. Et cette jolie plastique, signée Bertone, vieillit très bien depuis 2003. Dès lors, acquérir une Alfa Romeo GT revient à s'offrir une voiture avec laquelle on se démarque et qui confère une certaine prestance à son conducteur. En outre, ce dernier n'a pas à débourser une fortune pour rouler dans un coupé possédant un indéniable cachet. En effet, comme de nombreuses voitures italiennes, l'Alfa Romeo GT souffre d'une forte dévaluation à l'argus. Il est déjà possible de trouver une GT diesel d'occasion, bien équipée, ayant moins de 120.000 kilomètres au compteur et construite entre 2004 et 2007 pour 8.000 €. Plutôt intéressant pour un coupé de 150 chevaux qui, à l'achat, coûtait entre 25.000 et 30.000 € en moyenne (la GT n'étant plus produite depuis août 2010).

Vous l'aurez compris, avec une GT, vous serez gagnant lors de son achat, mais très certainement perdant lors de sa vente. Cependant, pour un prix démocratique, l'acquéreur d'un coupé GT profitera souvent de bonnes options, tant les Alfa Romeo sont généreusement équipées. Il est ainsi plus difficile de trouver une GT équipée de sièges en tissu que de sièges en cuir. On trouvera également assez fréquemment le régulateur de vitesse, la climatisation automatique dual-zone, l'installation Hi-Fi BOSE et même les phares au xénon. Enfin, le coupé GT diesel possède un comportement routier qui séduira les amateurs de sportivité automobile souhaitant concilier performance, luxe et économie de carburant.



Che bella macchina !

Revenons quelque peu sur le design de la belle italienne. Évidemment, la carrosserie d'une Alfa Romeo GT d'occasion n'aura que très peu souffert du temps (ce qui peut varier selon les propriétaires), contrairement aux autres organes de cette dernière. Comme souligné précédemment, l'esthétique de ce coupé traverse très bien les années et séduit encore aujourd'hui, grâce à des lignes plutôt avant-gardistes et anticonformistes. L'avant de la GT offre un capot plongeant, marqué par deux nervures joliment courbées se prolongeant sur le pare-chocs, entourant la légendaire calandre en « V ». Celle-ci est d'ailleurs très réussie – la plus belle de la gamme à l'époque. Étirée à souhait et entourée d'une belle imitation de chrome, cette calandre exhibe cinq baguettes horizontales (chromées elles aussi) sur un motif de nid d'abeilles serré. Ce fond est d'ailleurs rappelé de part et d'autre de la calandre, sous forme de deux petites entrées d'air venant titiller les blocs optiques très proches de la 147 dans sa première phase. Pour combler le tout, le bas du pare-chocs fait également la part belle aux entrées d'air, cette fois décorées d'un motif en nid d'abeille plus large et aéré que la calandre. À contre-courant des tendances de son temps, la GT comporte des feux clignotants avants déportés, situés en bas du pare-chocs. L'ensemble confère à l'auto une face avant épurée et sportive, sans pour autant se montrer agressive.



Le coupé présente un profil assez étiré, marqué par un trait saillant du plus bel effet, traversant la carrosserie de l'aile jusqu'au feu arrière en soulignant au passage la poignée de porte. Le bas-de-caisse, proéminent, met parfaitement en valeur le bas de la portière et joint avec style les ailes avant et arrière, dont on discerne ainsi à peine les limites. Deux bémols sont cependant à noter. Premièrement, la voiture semble un peu trop haute, tant l'écart entre les roues et leur passage est flagrant. Ceci dénature quelque peu le profil du coupé. Deuxièmement, la ligne de toit se montre assez droite et ne plonge réellement qu'au delà de la vitre arrière, de façon un peu trop abrupte, au détriment des lignes postérieures.


Ceci nous amène à l'arrière du véhicule, très réussi. L'originalité de ce coupé : un hayon permettant un accès facile au coffre et garantissant un gain notable sur la capacité de ce dernier. Si ce hayon peut se montrer déplaisant de profil, il n'en est rien lorsque l'on se trouve à l'arrière du véhicule. Celui-ci comporte à nouveau des lignes courbes tout en étant entouré de feux arrières originaux, fins et élancés – dans une pure tradition italienne. Le pare-chocs, large et bas, concède à l'Alfa Romeo GT son impression de puissance et de sportivité, laquelle est davantage renforcée par une sortie d'échappement béante chromée. Difficile de rester concis devant une si belle plastique !


Au rayon des désagréments liés à l'usure, on peut citer les badges Alfa Romeo (avant et arrière) qui ont la vilaine tendance à pâlir, se décolorer ou carrément perdre quelques couches de couleur. Le pare-chocs avant se montre également assez fragile et résiste peu aux petits cailloux et gravillons qui croiseront la route du coupé lâché à vive allure (dans le dos des forces de l'ordre). Par ailleurs, pour peu que l'ex-propriétaire d'une GT diesel n'ait daigné nettoyer régulièrement la sortie d'échappement, celle-ci sera bien souvent noire, sale et très difficile à faire briller de nouveau. Enfin, sur certaines occasions, il ne sera pas rare de trouver un peu de rouille sous les bas de caisse ou au niveau des suspensions, c'est là l'une des grandes maladies des Alfa Romeo modernes.

Raffinement à l'italienne

Assez parlé du design extérieur, invitons-nous sans plus tarder à l'intérieur de la GT. À quelques détails près, la planche de bord est celle de la 147, rehaussée de quelques touches stylistiques inédites, notamment au niveau du levier de vitesses. Un décor toujours alléchant à l'heure d'aujourd'hui, et qui convient parfaitement au coupé transalpin. L'habitacle mêle ainsi esthétique et sportivité, comme en témoignent le petit volant à trois branches, les aérateurs circulaires agrémentés de chrome, la console centrale grise, les contre-portes largement garnies de cuir, les éléments en aluminium (comme les poignées de porte) et bien sûr, les compteurs à fond blanc et aux aiguilles orientées vers le bas. Côté assise, la GT n'est pas en reste et reprend – de série – les sièges sport de la 147 TI, qui s'avèrent exemplaires en terme de qualité, de finition et surtout de maintien. À l'avant comme à l'arrière, les sièges offrent un superbe dessin travaillé aux lignes incurvées, mélangeant des portions de cuir lisse et de cuir perforé. À l'avant, on trouve un accoudoir central réglable en inclinaison, tandis que la banquette arrière, qui peut être rabattue, se dote d'un accoudoir encastrable et de trois reposes-tête.


Au niveau des équipements, l'Alfa GT est généreusement pourvue. De série, on trouvera un régulateur de vitesse, la climatisation automatique bi-zone, un ESP (VDC) ainsi qu'un correcteur d'assiette (ASR), un ABS, six airbags, un lecteur radio/CD avec commandes au volant, une alarme, des vitres électriques, des rétroviseurs électriques et dégivrant, un volant réglable en hauteur et en profondeur et bien sûr un ordinateur de bord plutôt complet. On pourra trouver sur le marché de l'occasion des Alfa Romeo GT équipées en option de capteurs de parking arrières (courant), de l'installation HiFi BOSE avec caisson de basses (courant), du GPS (régulier), des phares au xénon (rare) et des sièges chauffants (très rare).


Du point de vue de l'usure, l'habitacle de l'Alfa GT vieillit à la fois bien et mal... tout dépend des éléments. La note la plus positive revient aux sièges en cuir (avants et arrières) qui sont réellement d'une très bonne qualité. Le cuir ne se fissure pratiquement pas après 140.000 kilomètres, il est toujours doux et vigoureux en même temps. Les coutures, très résistantes, ne lâcheront pas et préserverons ainsi les côtés proéminents des sièges baquets. Le tableau de bord et les éléments plastiques larges résistent également très bien aux affres du temps. Par contre, nombreux sont les boutons dont le revêtement pèle : c'est notamment le cas des commandes au volant, dont les motifs disparaissent assez facilement, et les boutons de contrôle de la climatisation qui se montrent assez fragiles face aux coups d'ongles. Les poignées de portes intérieures remportent la palme du plus mauvais matériau, celui-ci se dégradant très rapidement (comme sur tellement d'autres automobiles, cependant).


Si la qualité perçue dans l'habitacle est élevée, la qualité d'assemblage est quant à elle moyenne. Ainsi, une foule de petites – et plus grandes – pièces finissent par bringuebaler, telles que la trappe de rangement située sous le volant, les boutons de la console centrale, les sièges, la banquette arrière et le hayon – qui a la fâcheuse tendance à se fermer « trop peu » et rebondir aux moindres imperfections de la route (qui sont légion en Belgique). En définitif, l'Alfa Romeo GT offre un intérieur agréable à l'œil, des sièges particulièrement confortables et efficaces, mais un tas de petits pépins et de bruits parasites qui feront tiquer certains, et en énerveront carrément d'autres.


Sportivité 1 – Confort 0

Tournons la clé de contact afin de mettre en route le bouilleur au mazout qui anime ce coupé GT. Comme tout diesel, le moteur est plutôt bruyant et se fait entendre dans l'habitacle, même si sa sonorité semble avoir été un peu travaillée pour se montrer la moins déplaisante possible. Dès les premiers tours de roue, on constate que le moteur est assez souple à bas régime (entre 1500 et 2000 tours/minute). La montée en régime est assez linéaire, contrairement à certains TDI allemands qui offrent un coup de pied aux fesses à 2500 tours/minute, puis se calment progressivement. Après plusieurs passages de rapports, on constate que la boîte manuelle à six vitesses est très bien étagée et permet réellement de maximiser le potentiel du moteur de 150 chevaux. En témoignent notamment les reprises qui sont très bonnes, et les poussées sur rapport qui sont impressionnantes, surtout sur les troisième et quatrième rapports. En ligne droite cependant, quelques vingt ou trente chevaux supplémentaires n'auraient pas été de trop pour sublimer les sensations d'accélération, qui peuvent se montrer un peu absentes comparé – à nouveau – à certaines allemandes.


Après 100.000 kilomètres, le moteur se montre toujours aussi nerveux et sa fiabilité est très bonne – le moteur étant l'organe le plus fiable de ce GT. La panne la plus courante est l'encrassement de la soupape EGR, qu'il sera à coup sûr nécessaire de changer entre 80.000 et 140.000 kilomètres. Enfin, en dessous de -10°C (courant ces dernières années en Belgique), le moteur peut être difficile à démarrer... le coupé GT a le sang chaud ! Côté consommation, comptez entre 5.9 et 6.5 litres par cent kilomètres en roulant normalement. En se montrant moins sage, on montera à 7.5 litres, mais difficile de faire plus.

Dans les virages, on retrouve une très grande qualité propre aux Alfa Romeo : la tenue de route. Celle-ci est tout simplement excellente et confère au GT un agrément de conduite exceptionnel, renforcé par le maintien exemplaire des sièges baquets. La direction est très précise et permet de d'envoyer le coupé là où il doit aller, sans risque de sous-virage. Le VDC (ESP signé Alfa) et l'ASR (correcteur de stabilité) se montrent efficaces sans pour autant paraître envahissants (attention à leur dysfonctionnement quand il neige). Hélas, les quelques maladies de ce coupé nous rattrapent vite et viennent ternir ce plaisir passé derrière le volant. Le principal défaut qui peut être relevé au cours du temps sur l'Alfa Romeo GT est l'usure précoce des organes du train avant. Ainsi, triangles de suspension supérieurs, inférieurs et barre stabilisatrice se montrent rapidement bruyants, en partie à cause des silent-blocs bien trop peu résistants (notamment sur nos belles routes belges). Même en évitant les nids de poules et en passant consciencieusement les dos d'âne à 20 km/h, le train avant finira par se montrer bruyant. Les « clong-clong » caractéristiques de cette usure (dus à un jeu entre les suspensions et les pièces censées stabiliser celles-ci) donnent promptement l'impression que la voiture se déglingue. Au contrôle technique, ce sera la carte rouge assurée. Et vu que les silent-blocs ne peuvent se remplacer indépendamment de la pièce qu'ils soutiennent, il sera nécessaire de changer l'ensemble des éléments défaillants au grand dam de votre porte-monnaie. À titre d'exemple, en 40.000 kilomètres roulés avec l'Alfa Romeo GT (entre 90.000 et 130.000), j'ai dû changer deux fois les triangles de suspension supérieurs avants et une fois la barre stabilisatrice.


Autre défaut du coupé GT : la fermeté des suspensions. L'incroyable tenue de route se paie au détriment du confort. À bord de la voiture, l'on ressent la moindre imperfection de la route. Certaines bosses pourront carrément faire souffrir le conducteur au niveau des lombaires, et ce malgré le confort des sièges. Un inconfort tout à fait discriminant, d'autant plus que ces imperfections de la route se font également sentir au niveau du volant, qui tremblera de concert avec les suspensions et l'ensemble du véhicule. Sur le marché de l'occasion, l'Alfa Romeo GT se déniche généralement avec des jantes de 17 pouces, avec lesquelles j'ai expérimenté deux ans de conduite. Il existe également des jantes de 16 pouces, qui devraient atténuer l'inconfort général... au détriment du design. De belles jantes 18 pouces étaient également au catalogue des options du GT, mais sont tout logiquement à proscrire.


La passion bat la raison

L'Alfa Romeo GT fut à sa sortie un véritable joker pour la marque au Biscione. Renouant avec les valeurs d'antan, ce coupé se veut un compromis entre véhicule sportif et de grand tourisme. Si le premier point est indéniablement atteint sans mal, le deuxième l'est beaucoup moins à cause de l'inconfort général qui sera un véritable point négatif sur de longues distances. Reste que, sur le marché de l'occasion, l'Alfa GT se démarque assez bien par son joli design peu vieillissant et son prix attractif. Si l'on considère Alfa Romeo comme un constructeur de luxe, au même titre qu'Audi, BMW ou Mercedes-Benz, le coupé GT ne fait pas vraiment le poids face à ses rivales directes que sont l'Audi TT, la série 1 coupé, la série 3 coupé ou la CLC. Seul son prix peut faire pencher la balance. Par contre, face aux constructeurs généralistes tels que VW, Peugeot, Opel et bien d'autres, Alfa Romeo joue une très belle carte en offrant à un prix raisonnable un coupé qui fournira des sensations que l'on pourra difficilement trouver chez la concurrence. Sur le marché de l'occasion, les Alfa Romeo GT ne manquent pas et raviront à coup sûr les amateurs de voitures italiennes et de sportivité, mis en garde par les quelques défauts de ce coupé – qui m'aura décidément bien inspiré pour cet article.